La possibilité singulière
Au bord de la possibilité du vide, de l’acceptation du désastre ou de la résignation à ce monde inodore, incolore, sans saveur qui ne nous promet rien d’autre que sa misère, sa séparation, ses réseaux sociaux, ses prisons, sa police et ses frontières,
Alors qu’on veut nous apprendre à toujours plus se protéger, s’assurer et se prémunir, jusqu’à ce que le risque même de vivre paraisse insoutenable,
Alors même que les révoltes, insurrections et révolutions du passé semblent définitivement ensevelies sous la poussière d’un présent qui se prétend achevé, ou rangées dans les écrins dorés d’une muséification glaçante,
Quand il pourrait sembler que plus aucun vent ne souffle pour nous emporter ailleurs,
Le cœur bat encore.
Alors que les analyses, les pratiques et même les mots tendent à perdre leur charge subversive, quand la joie devient réussite, quand la liberté devient discipline, quand la singularité devient identité, quand la solidarité devient soutien, quand transformer le monde devient cogérer sa misère,
Le cœur bat encore
Alors que le mot peuple, son nationalisme et sa xénophobie n’inquiètent plus grand monde, qu’il paraît qu’on devrait désirer plus de justice et plus de punition, alors que lutter devient dénoncer, que se défendre devient accuser et harceler, alors que la séparation se présente comme la condition nécessaire de la radicalité,
Au moment où chacun se laisse enfermer dans la misère de ce que ce monde veut qu’il soit,
Le cœur bat encore
Alors que nos aspirations se retrouvent réduites et étriquées aux conditions de ce monde au point que le repli sur soi et le ressentiment se donnent comme la seule réassurance possible et l’attaque de ses semblables comme la seule intervention réalisable,
Le cœur bat encore
Et ses battements résonnent dans le vide de cette époque mortifère jusqu’à ouvrir peut-être une brèche dans son épaisseur engluante, et nous rappellent à la vie, à la lutte, à l’urgence.
Le cœur bat
Pas sur un blog, même pas dans les textes qu’il contient,
Mais partout où quelque chose vient enrayer la bonne marche et la normalité de ce monde, le cœur bat.
A nous, ici ou ailleurs, comme on le fera ici ou autrement, de trouver les moyens de l’entendre, de l’amplifier et de le distordre jusqu’à ce qu’il ébranle ce monde silencieux étouffé et misérable.
Et, enfin, partir à l’assaut du ciel.